Page:Doyle - Les Réfugiés.djvu/310

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guement devant eux ; ils longèrent les riches prairies de la seigneurie de Beaupré au Laval, et après avoir dépassé les établissements de l’île d’Orléans, ils virent se dérouler droit devant eux le ruban du fleuve avec les chutes du Montmorency, les palissades du cap Levis, et sur leur droite se détacha le rocher avec son diadème de tours et sa ville entassée à la base, centre et forteresse de la puissance française en Amérique. Le canon tonna sur les bastions ; le navire de guerre répondit avec ses caronades, les pavillons montèrent et descendirent le long des mâts, et un essaim de canots et de pirogues se détacha de la côte pour recevoir le nouveau gouverneur et transporter à terre les passagers et les soldats.

Le vieux marchand avait décliné de jour en jour depuis qu’il avait quitté le sol de la France. Les péripéties du naufrage et les angoisses de la nuit passée sur l’iceberg avaient épuisé ce qui lui restait de forces. Mais au bruit des canons il ouvrit les yeux, et se souleva péniblement sur son oreiller.

— Qu’y a-t-il, père ? s’écria Adèle. Nous sommes en Amérique, et nous sommes avec vous, Amaury et moi, vos enfants.

Le vieillard secoua la tête.

— Le Seigneur m’a conduit jusqu’à la terre promise, dit-il, mais il n’a pas voulu que j’y entrasse. Que sa volonté soit faite et que son nom soit à jamais béni. Mais je voudrais au moins comme Moïse la voir, si je ne puis y mettre le pied. Amaury,