Page:Doyle - Les Réfugiés.djvu/318

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de France, reconnaissables à leurs lourds panaches et à ce dandinement par où ils pensaient copier la mode de Versailles. On pouvait apercevoir aussi de petits groupes de trappeurs, des coureurs de bois en vestes de cuir, en guêtres à franges, et en bonnets de fourrure ornés de plumes d’aigle. Ils venaient une ou deux fois par an dans les villes, laissant leurs femmes indiennes et leurs enfants dans quelque wigwam de l’intérieur. Il y avait là encore des Peaux-Rouges, à la face tannée comme du vieux cuir, sauvages Micmacs de l’Est, féroces Abenakis du Sud, et au milieu de tout cela se distinguaient les robes sombres des Jésuites, les soutanes noires et les larges chapeaux des Récollets et des Franciscains.

La femme d’Amaury, habituée au calme de la rue parisienne, regardait avec étonnement la ville, les bois et les montagnes, et elle poussa un cri de frayeur, lorsqu’une pirogue remplie d’Algonquins couverts de peaux de bêtes, avec des figures rayées de peinture rouge et blanche, passa comme une flèche devant eux, en faisant jaillir l’écume sous les pagaies. Puis le fleuve se teinta de rose, la vieille citadelle se fit plus indistincte dans le crépuscule, et les deux exilés descendirent tristement dans l’entrepont.

Dans la cabine de Catinat se trouvait un hublot qu’il laissait ouvert toute la journée pour renouveler l’air lourd et chaud provenant du voisinage de la cuisine du bord. Cette nuit-là, il lui fut impossible de dormir : il ne faisait que se tourner et