Page:Doyle - Un crime étrange.djvu/206

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violent. Malgré cela, je me serais volontiers mis à chanter tout haut. Si jamais il est arrivé à l’un de vous de désirer quelque chose de toutes ses forces, de l’attendre pendant vingt longues années et de voir enfin son espoir se réaliser tout à coup, celui-là me comprendra. J’allumai un cigare pour calmer mes nerfs. Mais mes mains tremblaient et j’entendais distinctement le battement de mes tempes. Tout en marchant, je voyais, comme je vous vois maintenant, le vieux John Ferrier et la chère Lucy qui émergeaient de l’obscurité et me regardaient en souriant ; ils se tenaient devant moi de chaque côté de mon cheval et ils ne me quittèrent pas jusqu’à la maison de Brixton Road.

« On ne voyait pas un être vivant dans la rue, on n’entendait pas un bruit, si ce n’est le clapotis de la pluie. En regardant par la portière je m’aperçus que Drebber s’était effondré dans un lourd sommeil d’ivrogne. Je le pris par le bras et le secouai. Nous sommes arrivés, lui dis-je.

« — Bien, mon brave », répliqua-t-il.

« Il supposait évidemment que nous étions devant l’hôtel qu’il avait désigné. Aussi, sans ajouter un mot, il descendit de voiture et m’accompagna à travers le jardin. J’étais obligé de marcher à côté de lui pour le soutenir ; car il se trouvait encore sous l’influence de l’alcool. Arrivé à la porte de la maison, je l’ouvris et j’introduisis mon compagnon dans