Tous ces détails ne me revinrent que plus tard à la mémoire ; sur le moment, mon attention se concentra tout entière sur l’horrible spectacle que présentait, étendu devant nous, un corps rigide, dont les yeux, encore grands ouverts, dirigeaient vers le plafond leur regard sans vie. La victime qui paraissait avoir de quarante-quatre à quarante-cinq ans, était de taille moyenne, large d’épaules, avec des cheveux noirs et crépus, et une barbe courte et clairsemée. Elle était vêtue d’une redingote, en drap épais, d’un gilet pareil et d’un pantalon de couleur claire ; le col et les manchettes de la chemise étaient d’une blancheur immaculée. Un chapeau haut de forme, tout neuf et brillant comme un miroir, gisait à terre. Les bras étaient étendus en croix et les mains crispées ; les membres inférieurs se tordaient comme si les dernières souffrances de l’agonie avaient été terribles. Je lisais sur cette figure immobile une expression d’horreur et de haine telle que je n’en avais jamais vue à aucun visage humain. Tout dans l’aspect de ce misérable, son front bas, son nez aplati, sa mâchoire proéminente, et surtout cette position étrange et ces membres contournés, tout contribuait à lui donner une ressemblance singulière avec un véritable gorille. J’ai vu la mort sous bien des formes, mais jamais sous une apparence plus effroyable que dans cette pièce sombre et lugubre, à deux pas d’une des principales artères de Londres suburbain.
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