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LETTRES D’UN INNOCENT

rité, on en sort, et l’on en sort non pas par des pleurs ou des récriminations, mais en allant droit au but, qui est notre honneur, avec une énergie active, infatigable, qui doit être aussi grande que les circonstances l’exigent. Il y a enfin une justice en ce monde et il n’est pas possible que des innocents subissent un martyre pareil. D’ailleurs, je ne fais que me répéter et je ne puis que me répéter ; mes sentiments n’ont pas varié. Tout cela plutôt pour bavarder avec toi que pour autre chose, pour faire passer une heure de nos longues nuits, car, comme je te l’ai dit, j’attends maintenant le résultat de tes efforts et de tes démarches, qui, je pense, ne tardera plus, et j’espère que je verrai bientôt le jour où je pourrai enfin respirer, me détendre un peu. Il en serait temps, je te l’assure.

Encore de bons baisers pour toi, pour les enfants,

Alfred.
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Le 4 novembre 1895.
Ma chère Lucie,

Le courrier venant de Cayenne est arrivé et il ne m’a pas apporté de lettres. Je suis donc sans nouvelles de toi, des enfants, depuis le 25 août. Mais je ne veux pas laisser partir le courrier anglais sans t’écrire quelques mots ; je ne serai pas long, car la douleur fait trembler ma plume sous mes doigts.

Je pense, ma chère Lucie, que tu es maintenant en possession de mes dernières lettres, que tu agis