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INTRODUCTION

quement parlé, car la vérité s’est déjà fait jour par des voies détournées.

On sait, par les déclarations formelles de M. le Ministre d’État de Bulow au Parlement allemand, et de M. Bonnin, sous-secrétaire d’État au Parlement italien, que jamais les attachés militaires d’Allemagne et d’Italie n’ont eu aucun rapport avec le capitaine Dreyfus. On sait, par ce qui se dit couramment dans les ambassades et ce qu’a raconté dans sa lettre au Siècle M. Casella, que le commandant Esterhazy a livré des quantités de documents militaires au colonel de Schwartzkoppen, et que ce dernier l’a déclaré « capable de tout ».

On sait, enfin, que ces assertions, produites au grand jour, n’ont provoqué aucun des démentis qu’elles eussent nécessités si elles étaient fausses ; et ceux-là mêmes qui voudraient empêcher la vérité de se faire jour en sont réduits, pour les combattre, à inventer des histoires qui apparaissent comme des demi-aveux, à savoir que, si le commandant Esterhazy a jamais communiqué des pièces au colonel de Schwartzkoppen, il n’a agi qu’avec l’assentiment de ses chefs, se bornant à faire ce qui s’appelle, dans la langue du métier, du contre-espionnage.

Comment, quand les choses en sont arrivées à ce degré de clarté, se refuserait-on à faire le dernier pas pour arriver à la pleine et irrécusable lumière ?

Dirait-on qu’il ne faut pas appeler des étrangers dans une affaire où la défense nationale peut se trouver intéressée ? — Mais la défense du pays est elle donc en jeu dans une question de pure bonne foi, quand il ne s’agit que de guider la justice et de faire appel à des témoins nécessaires ?