Page:Dreyfus - Lettres d un innocent (1898).djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
211
LE CAPITAINE DREYFUS

situation aussi atroce qu’intolérable, qu’aucun être humain, ayant un cœur, un cerveau, ne saurait supporter indéfiniment.

Je ne puis donc que souhaiter pour nous tous que ce concours d’efforts, de bonnes volontés, aboutisse bientôt et te répéter toujours, invariablement : courage et foi !

Et maintenant j’ai déjà fini de causer avec toi et cela m’est un déchirement que de terminer ma lettre. Mais de quoi pourrais-je te parler ? Est-ce que nos vies, celles de nos enfants, l’avenir de toute une famille ne dépendent pas de cette pensée unique qui règne dans nos cœurs ? Est-ce qu’il saurait y avoir, comme tu le dis si bien, d’autre remède à nos maux que la réhabilitation pleine et entière ?

Mais si ce but doit être poursuivi sans une minute de faiblesse ni de lassitude jusqu’à ce qu’il soit atteint, oh ! chère Lucie, je souhaite aussi de toute mon âme qu’on ait égard à tant de souffrances, de douleurs accumulées sur tant d’êtres humains qui n’ont qu’une chose à demander, la découverte de la vérité ; et je veux cependant terminer, mais dis-toi bien qu’à tout moment du jour ou de la nuit ma pensée, mon cœur sont avec toi, avec nos chers enfants, pour te crier courage et de redire toujours courage !

Je t’embrasse comme je t’aime, de toute la puissance de mon affection, ainsi que nos chers enfants.

Ton dévoué,

Alfred.

Baisers à tous.

————