Page:Dreyfus - Lettres d un innocent (1898).djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
240
LETTRES D’UN INNOCENT

égard. Tu les embrasseras de toutes mes forces, de toute mon âme. Je te quitte, quoique ce me soit toujours une grande douleur de m’arracher d’auprès de toi, tellement est court et fugitif ce moment que je viens passer auprès de toi.

Je t’embrasse comme je t’aime, de toutes mes forces, de toute la puissance de mon affection, ainsi que nos chers enfants, en te répétant encore courage et courage, en souhaitant aussi que tout cela ait enfin un terme.

Ton dévoué,

Alfred.

Mes meilleurs baisers à tes chers parents, à tous les nôtres. Mes vœux de condoléances à Arthur et à Lucie ; je ne me sens pas le courage de leur écrire.

————
Le 22 octobre 1897.
Ma chère et bonne Lucie.

Si je n’écoutais que mon cœur, je t’écrirais à tout instant, à toute heure de la journée, car ma pensée ne peut se détacher de toi, de nos chers enfants, de tous, mais ce ne serait que répéter l’expression de nos douleurs communes, et il n’est plus de mots pour rendre notre martyre — si long !

Dans les lettres que je t’ai écrites, je t’ai exprimé mes sentiments, ma volonté, que je sais être la tienne, la vôtre, indépendante de mes souffrances, de ma vie ; il y avait certes aussi des cris de douleur, car lorsqu’on souffre ainsi sans relâche nuit et jour, plus encore pour toi, pour nos chers enfants, que pour moi, le cerveau s’embrase, et s’il ne suffisait pas déjà