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LE CAPITAINE DREYFUS

souvent étaient des énigmes pour moi), du secret absolu dans lequel je suis, de l’état de mon cerveau, des coups qui m’ont frappé sans que j’y comprenne rien, de maladresses qui peut-être aussi ont été commises.

Mais voici la situation telle que je crois la comprendre, et je m’imagine n’être pas loin de la vérité. Je crois que M. le général de Boisdeffre ne s’est jamais refusé à nous rendre justice. Nous, profondément blessés, nous lui demandons la lumière. Il n’a pas plus été en son pouvoir qu’au nôtre de la faire ; elle se fera dans un avenir que nul ne peut prévoir.

Les esprits se sont probablement aigris, des maladresses peut-être ont été commises, je ne sais, tout cela a envenimé une situation déjà si atroce. Il faut revenir en arrière, s’élever au-dessus de toutes les souffrances pour envisager simplement notre situation.

Eh bien, moi, la plus grande victime, victime de tout et de tous depuis plus de trois ans, qui suis là, presque agonisant, je viens te donner des conseils de sagesse, de calme, que je crois te devoir, oh ! sans abandon d’aucun de mes droits, sans faiblesse, comme aussi sans jactance.

Comme je te l’ai dit, il n’a pas été plus au pouvoir de M. le général de Boisdeffre qu’au vôtre de faire la lumière, elle se fera dans un avenir que nul ne peut prévoir.

Je lui ai donc demandé simplement la réhabilitation, un terme à notre épouvantable martyre, car il est inadmissible que tu supportes un pareil supplice, que nos enfants grandissent déshonorés par un tel crime que je ne saurais avoir commis.