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APPENDICE

ment son supplice, mon mari n’a pas cessé de protester hautement de son innocence — un journal a publié le récit dont, sans contrôle et sans preuves, vous vous êtes fait l’écho à la tribune du Parlement, ce journal a altéré la vérité.

Il m’a été dit que le capitaine Lebrun-Renault avait aussitôt démenti les propos qu’une légende lui attribue, qu’il avait dit à ses chefs la vérité, à savoir que mon mari n’avait fait que protester de son innocence, que, par ordre, alors, le silence avait été imposé à cet officier.

J’ignore si ce qui m’a été raconté est exact, je ne puis le vérifier. Si vous voulez vous donner la peine de vous reporter aux journaux de janvier 1895, vous y trouverez d’abord un récit de tous points différent de la conversation qui s’engagea le 5 janvier entre le capitaine Lebrun-Renault et mon mari. Voici le récit du Figaro, intitulé : Récit d’un témoin, et signé de M. Eugène Clisson.

« C’est dans cet ordre que le convoi arriva à l’École Militaire, à huit heures moins dix. Dreyfus fut conduit dans une des salles de l’École et laissé sous la garde du capitaine Lebrun-Renault. C’est là dans cette pièce, que la conversation suivante s’engagea :

« Vous n’avez pas songé au suicide, M. Dreyfus ? demanda le capitaine Lebrun-Renault.

— Si, mon capitaine, répondit Dreyfus, mais seulement le jour de ma condamnation. Plus tard, j’ai réfléchi. Je me suis dit qu’innocent comme je suis, je n’avais pas le droit de me tuer. On verra dans trois ans quand justice me sera rendue.

— Alors, vous êtes innocent ?