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LETTRES D’UN INNOCENT
Lundi, 2 janvier 1895, 11 heures du soir.
Ma chérie,

Une nouvelle année va bientôt commencer ! Que nous réserve-t-elle ? Espérons qu’elle sera meilleure que celle qui vient de finir, autrement la mort serait préférable. Dans cette nuit calme et profonde qui m’entoure, je pense à vous tous, à toi, à nos chers enfants. Quel coup épouvantable du sort, immérité et cruel !

Laisse-moi m’épancher un peu, pleurer à mon aise dans tes bras. Ne crois pas pour cela que mon courage faiblisse ; je t’ai promis de vivre, je tiendrai ma parole. Mais il faut que je sente constamment ton âme vibrer près de la mienne, il faut que je me sente soutenu par ton amour.

Il nous faut du courage, il nous faut une énergie presque surhumaine. Quant à moi, je ne puis que rassembler mes forces pour supporter encore toutes les tortures qui m’attendent.

Bonsoir et baisers,

Alfred.
————
Jeudi midi.
Ma chérie,

On m’apprend que l’humiliation suprême est pour après demain. Je m’y attendais, j’y étais préparé, le coup a cependant été violent. Je résisterai, je te l’ai promis. Je puiserai les forces qui me sont encore nécessaires dans ton amour, dans l’affection de vous tous, dans le souvenir de mes enfants chéris, dans l’espoir suprême que la vérité se fera jour. Mais il faut que je sente votre affection à tous rayonner autour de moi, il faut que je vous sente lutter avec