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LE CAPITAINE DREYFUS

de la prison, m’a fait du bien. Je tremblais sur mes jambes en descendant, mais je me suis raidi pour ne pas tomber par terre d’émotion. À l’heure qu’il est, ma main n’est pas encore bien assurée : cette entrevue m’a violemment secoué. Si je n’ai pas insisté pour que tu restes plus longtemps, c’est que j’étais à bout de forces ; j’avais besoin d’aller me cacher pour pleurer un peu. Ne crois pas pour cela que mon âme soit moins vaillante ni moins forte, mais le corps est un peu affaibli par trois mois de prison, sans avoir respiré l’air du dehors. Il a fallu que j’aie une robuste constitution pour pouvoir résister à toutes ces tortures.

Ce qui m’a fait le plus de bien, c’est de te sentir si courageuse et si vaillante, si pleine d’affection pour moi. Continue, ma chère femme, imposons le respect au monde par notre attitude et notre courage. Quant à moi, tu as dû sentir que j’étais décidé à tout ; je veux mon honneur et je l’aurai ; aucun obstacle ne m’arrêtera.

Remercie bien tout le monde, remercie de ma part Me Demange de tout ce qu’il a fait pour un innocent. Dis-lui toute la gratitude que j’ai pour lui, j’ai été incapable de l’exprimer moi-même. Dis-lui que je compte sur lui dans cette lutte pour mon honneur.

Embrasse les bébés pour moi. Mille baisers,

Alfred.

Le parloir est occupé demain jeudi entre une heure et quatre heures. Il faudrait donc que tu viennes, soit le matin entre dix et onze heures, soit le soir à quatre heures.

Ceci n’a lieu que les jeudis et dimanches.