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LE CAPITAINE DREYFUS

n’ai même pas la ressource de l’exercice physique violent pour les dompter. On doit cependant me donner aujourd’hui quelque médicament pour diminuer leur tension.

Ah ! Quand je pense à ceux qui m’ont accusé et fait condamner ! Que les remords les poursuivent et leur fassent endurer les supplices que je supporte moi-même !

Mais parlons d’autre chose.

Comment vas-tu, ma chérie ? Comment vont les enfants ? J’espère que vos santés à tous continuent à être bonnes. Soutiens-toi, tu n’as pas le droit de te laisser abattre. Tu as besoin de tout ton courage et de toute ton énergie, et pour cela il te faut toutes tes forces physiques.

C’est enfin vendredi, demain. Comme ce jour est long à venir ! Heureusement que le temps m’a paru un peu moins long cette fois, car, hier et avant-hier, j’ai entendu parler de toi par les visites que j’ai reçues.

Comment veux-tu que je n’aie pas moi-même confiance quand je sens autour de moi toutes ces amitiés, toutes ces affections, tous ces dévouements, enfin !

Ce dont il faut que je m’arme surtout, c’est de patience.

————
2 heures.

On me remet ta lettre d’hier.

Je trouve que je gémis déjà assez par moi-même, sans que tu m’y engages encore. Ah ! Que c’est terrible, l’impuissance, quand on voudrait crier, faire éclater sa complète innocence ! Enfin, tout cela ne