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de la colonne : derrière lui un adjudant d’artillerie et deux noirs spahis, enfoncés dans de hautes selles arabes, suivaient dans un nuage de poussière.

C’était le commandant du poste rudimentaire de Kita, fondé quelques mois auparavant, lors de son passage, par le capitaine Galliéni.

Les présentations faites et les serrements de main échangés :

— Avez-vous des nouvelles de M. Ramblot ? demanda le capitaine Cassaigne.

— Oui, depuis hier. On ne sait encore en quel point il est enfermé, mais il paraît certain qu’il est aux mains de Samory. C’est un ancien tirailleur algérien, passé au service de l’Almany[1] qui nous a envoyé un message secret pour nous prévenir ; sans doute il complètera ce renseignement en faisant connaître le village où il est captif, mais sa pauvre enfant, Mlle  Ramblot, est bien mal.

— Bien mal ! que voulez-vous dire ?

Georges Cardignac s’était approché ; en entendant les derniers mots du lieutenant de spahis, il devint très pâle ; sans l’avoir vue, il se sentait une immense pitié pour cette vaillante enfant.

— Oui, poursuivit l’officier ; elle a été prise, il y a quelques jours, à la suite de toutes ces émotions, d’un accès de fièvre chaude, et est en ce moment entre la vie et la mort. Le pis est que nous n’avons pas de médecin : nous avons enterré le nôtre, le pauvre docteur Binet, la semaine dernière, et le brigadier d’infirmerie qui la soigne n’y connaît évidemment pas grand’chose.

— Vite, Cardignac, dit le capitaine, allez prévenir M. d’Anthonay et surtout le docteur Hervey ; M. Ramblot est vivant, c’est bien ; mais si nous le retrouvons et qu’il ne revoie plus sa fille au retour, il maudira sa liberté. Courez vite !

Quelques minutes après, Georges Cardignac, suivi du docteur, arrivait au galop à l’entrée du fort de Kita ; sur un baobab gigantesque, un loustic de la petite garnison avait, sur deux écriteaux, dessiné deux flèches, que surmontaient deux inscriptions grossièrement tracées à la main.

L’une d’elles, tournée vers la vallée du Sénégal, portait : Route de France, l’autre tournée vers le Niger : Route du Cimetière !

  1. Titre donné à Samory.