Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/136

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En lisant ce passage, vous comprendrez, mes enfants, toute l’histoire de cette époque extraordinaire.

C’était la levée en masse, avec toutes ses conséquences, puisque les enfants eux-mêmes étaient réquisitionnés pour la défense du sol.

Il est vrai que la besogne à laquelle on les conviait était simple et sans danger ; mais ceux qui se sentaient capables d’un effort plus énergique avaient la faculté de courir aux armées ou de préparer des armes aux combattants.

C’est que jamais le danger n’avait été aussi grave ! Jamais, même lorsque Jean Tapin, un an auparavant, s’était engagé au cri de : « La patrie est en danger ! »

La victoire de Valmy, le déblocus de Lille n’avaient pas en effet porté le fruit qu’on eût pu en attendre : l’ennemi, revenu à la charge, nous menaçait à nouveau. La France était envahie au nord, sur le Rhin, à la frontière des Alpes, même aux Pyrénées. L’Europe entière se coalisait contre la France.

De plus, comme si ce n’eût pas été assez de l’Europe, il y eut même, en France, des Français qui, sourds aux appels du patriotisme, n’hésitèrent pas à déchaîner dans leur pays la plus atroce des guerres : la guerre civile.

La Vendée, Marseille, Lyon et Toulon s’étaient insurgés. Pour avoir raison de leur résistance, on dut envoyer, hélas ! des troupes françaises contre les Français, alors que l’ennemi menaçait nos portes.

Vous apprendrez, mes enfants, les faits de cette triste époque dans l’histoire ; nous ne vous les raconterons pas, d’autant plus que notre petit camarade eut la chance de n’y être pas mêlé. Voici comment :

Celui des membres du Comité de salut public auquel était dévolu le soin de s’occuper des armées se nommait Carnot.

Son nom, qui appartient à l’histoire, est doublement consacré dans la mémoire des hommes, car, tout près de nous, son petit-fils fut le président de notre troisième République, et vous savez que, victime de son devoir, il périt, assassiné lâchement par un fanatique. Ses restes mortels ont reçu les honneurs de la sépulture nationale et reposent au Panthéon.

Donc, lorsque les Mayençais arrivèrent à Paris, Carnot voulut féliciter lui-même les chefs de cette héroïque phalange ; il se fit présenter les généraux et les colonels par le représentant Merlin.

Au cours de cette entrevue, le colonel Bernadieu fut signalé à Carnot comme un officier d’avenir, intelligent, instruit, énergique et brave, et