Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE VIII

premier deuil (1794-1798)


Pendant que le général Bernadieu et notre ami Tapin roulaient sans arrêt vers l’armée, Catherine et Lison pleuraient.

La séparation était en effet bien cruelle ; car, depuis deux ans qu’elle vivait côte à côte avec Jean, Lisette n’avait jamais supposé, même un instant, que son petit camarade pût un jour la quitter.

Aussi ce brusque départ l’avait plongée dans une amère désolation.

Catherine n’avait pas échappé à ce sentiment de tristesse : l’éloignement de ceux qu’elle aimait lui faisait sentir davantage son isolement.

Et cet isolement était beaucoup plus grand que vous ne pouvez vous l’imaginer, car la pauvre Catherine n’était pas veuve comme vous l’avez peut-être cru.

Son mari, le père de Lison, l’avait quittée en 1787, deux ans avant le commencement de la Révolution française, et c’est pourquoi vous avez pu remarquer, dans le courant de ce récit, combien elle était mélancolique et pleurait aisément.

Elle avait épousé en 1780 Jacques Bailly, le meilleur ouvrier de maître Ridel, arquebusier très connu de la rue Saint-Honoré.

Fort habile et très travailleur, Jacques avait fait un apprentissage pénible, avait passé par la filière exigée à cette époque et était devenu compagnon.

Après huit ans de compagnonnage, pendant lesquels il n’avait touché qu’un minime salaire, il s’était flatté de l’espoir de devenir maître à son