Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/165

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« Ah ! si vous aviez vu ça !… Je me suis rappelé les canonnades de Mayence.

« Les Autrichiens ont rendu la ville, et ce matin nous les attaquions sur toute la ligne.

« C’était une grande bataille, voyez-vous ! et dame ! ça n’a pas été tout seul.

« À un moment, nous avons été tournés par le corps autrichien de Kwasdanovitch. (Quel drôle de nom, hein ?) Et ma foi ! cela a failli mal tourner.

« Nous tenions les deux rives de la Sambre quand une masse d’habits blancs nous arrive dessus.

« Pas moyen de tenir ! Nos troupes reculent. Il fallait voir mon général, comme fou de colère, qui se jetait devant les fuyards. Mais, malgré ses efforts, la débandade commence. J’en aurais pleuré :

« Tout d’un coup, Marceau arrive, ventre à terre, et crie :

« Par ici, Bernadieu ! par ici ! »

« Nous le suivons au galop.

« Marceau, aidé de mon général, rallie quelques bataillons et nous nous installons dans le village de Lambusart d’où je vous écris.

« Quelle bataille !

« On avait mis pied à terre et garé les chevaux. Tout le monde tirait par les fenêtres, par les embrasures, dans les jardins. J’ai pris mon mousqueton et j’ai tiré aussi sur les habits blancs qui nous entouraient et qui essayaient d’enlever Lambusart. Mais va-t’en voir ! On les refoulait à grands coups de baïonnette et la fusillade recommençait.

« Enfin on tirait si fort que le feu a pris dans des gerbes, l’incendie a gagné des maisons, tout flambait ! C’était terrible ! Mais nous tenions quand même !

« Heureusement, le général Lefebvre nous a dégagés. Jourdan est arrivé ! On a fait la conduite aux Impériaux, au cri de : « Vive la nation ! »

« C’est beau tout de même, allez, maman Catherine, c’est bien beau de se battre !

« En fin de compte, nous sommes vainqueurs, et j’ai entendu Marceau dire à mon général :

« Maintenant, vois-tu, Bernadieu, nous n’avons qu’à nous donner la peine d’entrer… la Belgique est à nous ! »

« Voilà la bataille d’aujourd’hui.