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Cette victoire nous donna la Belgique, et les armées des généraux Pichegru et Jourdan se rejoignirent, quelques jours plus tard, à Bruxelles même.

Les troupes de la coalition se repliaient devant nous, reculant vers la mer et le Rhin.

Pichegru continua sa marche, reprit Condé, Valenciennes, Landrecies, Le Quesnoy, et pénétra en Hollande.

En même temps, Jourdan forçait les Autrichiens, commandés par Clerfayt, à se replier sur Aix-la-Chapelle, passait de vive force la rivière de l’Ourthe, et s’emparait de la Roër ; enfin, pendant que Kléber investissait Maëstricht, la ville de Bois-le-Duc tombait en nos mains.

La ligne du Rhin hollandais était au pouvoir de l’armée française. Cette belle conquête venait de s’accomplir en moins de cinq mois, de juin à octobre 1794 !

Et pourtant, mes enfants, la patrie française n’avait pas d’argent. À peine pouvait-on envoyer aux troupes leur solde en assignats, avec une infime quantité de numéraire ; les vivres manquaient souvent ; les officiers mangeaient, comme leurs soldats, ce que l’on trouvait !

Le dénuement était absolu ; lorsque les souliers étaient usés, on marchait nu-pieds ou en sabots, le ventre creux mais l’âme fière ! Et ces héros (on peut leur donner ce titre depuis le général jusqu’au simple soldat) étonnèrent leur monde par leurs vertus militaires, leur discipline et leur stoïcisme.

Le grand poète Victor Hugo l’a dit :

Et l’on voyait marcher ces va-nu-pieds superbes
Sur le monde ébloui !

Oui, certes, c’est un éblouissement, un fulgurant rayon de gloire que l’histoire de cette conquête ! Cela vous démontre de quel poids est la foi, quelle valeur elle donne à une troupe armée.

Ces braves avaient foi en leur pays, la France ; ils combattaient pour son indépendance et pour la liberté. C’est ainsi qu’ils furent grands !

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Jean Tapin fit la campagne comme un homme, bien qu’il ne fut qu’un enfant. À quatorze ans, on a bon appétit : pourtant il ne se plaignit jamais, et tout le personnel des états-majors le connaissait et l’aimait.