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Belle-Rose raconta à Jean Cardignac la joie de tout le régiment lorsqu’on l’avait fait rentrer de Vendée pour marcher aux Autrichiens. En passant par Paris, le tambour-maître avait embrassé Catherine et Lison.

« Enfin, conclut-il, bien que tu sois maintenant dans les honneurs, on pourra te voir de temps à autre, cornebleu !… Le bonjour au général Bernadieu !… »

Jean quitta « son régiment » avec de la tristesse plein l’âme.

Il l’aimait en effet et le regrettait, subissant en cela un sentiment commun à tous les vrais soldats, sentiment d’affection bien légitime pour le premier régiment qui les a reçus, pour le premier drapeau autour duquel ils se sont serrés, pour les premiers chefs qui les ont instruits !

Seulement le cœur de l’enfant était tiraillé entre deux affections : la neuvième et Bernadieu.

S’il eût été seul, il eût vite abandonné son spencer à brandebourgs et endossé à nouveau l’habit de grenadier ; mais il adorait Bernadieu doublement, car celui-ci personnifiait justement à ses yeux le premier régiment et le premier chef ; de plus il aimait passionnément l’homme lui-même, dans l’officier auquel il devait tout !

Car le jeune général n’avait cessé de soigner l’instruction de son protégé ; et Jean Cardignac, malgré sa jeunesse, eût pu lutter déjà, en savoir, avec beaucoup d’officiers subalternes de l’armée. Bernadieu avait même exigé qu’il apprît l’allemand.

L’enfant continua donc son service auprès « de son général », heureux seulement de pouvoir parfois aller passer une heure avec ses anciens amis.

C’est à ce moment que, appuyées à la ligne des Vosges, les armées combinées de Pichegru et de Jourdan prirent l’offensive contre les troupes autrichiennes et pénétrèrent en Allemagne.

Malheureusement (cela grâce à des fautes voulues de Pichegru qui traitait sous main avec l’ennemi) nous perdîmes du terrain, malgré les efforts héroïques de Jourdan.

Cette campagne de 1795 se termina en décembre par un armistice qui laissait les deux partis sur leurs positions.

Tapin passa l’hiver 1795-1796 à Strasbourg, côte à côte avec la neuvième qui y tenait également garnison.