Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/299

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garçon, et arrange-toi pour avoir beaucoup d’enfants ; des garçons surtout : la France a besoin de soldats.

— Oh ! mon général, si j’en ai quinze, ils seront soldats tous les quinze, s’écria-t-il.

Le premier Consul sourit.

— Donne-m’en seulement deux pour Fontainebleau[1], dit-il, et je me charge d’en faire des officiers comme toi.


Jean Tapin, sous-lieutenant
Quand Jean sortit, Menneval lui demanda en souriant :

— Eh bien, mon brave, es-tu content ?

— Ah ! monsieur Menneval, vous pouvez le croire ;… mais il y a une chose que je n’ai pas osé demander à mon général.

— Quoi donc ?

— Je voudrais faire une surprise à ma famille avec mon brevet d’officier et mon autorisation de mariage.

— C’est facile. Je t’adresserai tout cela par exprès, sous pli cacheté à ton adresse… ou mieux, viens les chercher ici.

Oh ! merci, s’écria Jean.

En sortant du Palais, il s’en fut d’abord raconter à Cancalot l’heureux résultat de sa démarche ; puis entra chez un tailleur auquel il commanda de suite ses tenues d’officier.


Cinq jours après, notre camarade sortit de très bon matin.

Il revenait au bout d’une heure rue de la Huchette, serré dans un habit à la française, coiffé du petit bonnet à poil, et sur son épaule scintillait l’épaulette d’or.

Ce fut dans toute la maison un éblouissement, une joie sans pareille, mais le plus saisi fut Belle-Rose lorsqu’il arriva pour déjeuner.

Médusé, le vieux guerrier prit instinctivement la position de parade, et sans dire un mot, tout pâle, il fit le salut militaire et resta là, immobile.

  1. L’École spéciale militaire était, à cette époque, et depuis 1802, à Fontainebleau. Ce ne fut qu’on 1808 qu’elle fut transférée à Saint-Cyr, pour laisser à la disposition de l’Empereur le palais de Fontainebleau restauré.