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Il en avait besoin du reste, car, presque en même temps, une triste nouvelle arriva, qui atténua chez Jean la joie de la victoire de son Empereur.

L’amiral Villeneuve s’était fait battre par les Anglais à Trafalgar. Sa flotte, après une lutte héroïque, était entièrement détruite.

Elle avait, il est vrai, fortement endommagé la flotte anglaise ; l’amiral anglais, Nelson, avait été tué. Mais cela c’était de la gloire négative, puisque nous perdions notre meilleure force navale.

Heureusement Napoléon allait par une inoubliable victoire, réparer l’effet moral de ce désastre, car le jour approchait où devait briller le soleil d’Austerlitz.

À la mi-novembre, Jean fut autorisé par le médecin à quitter Boulogne, pour aller terminer sa convalescence à Paris.

Il partit donc avec Lise et Catherine. Quant à Grimbalet, il avait déjà quitté le camp, son régiment ayant été désigné, vers la fin d’octobre, pour renforcer, avec plusieurs autres, les effectifs de la Grande-Armée.

L’ex-commis épicier avait promis de donner de ses nouvelles et il tint parole, car Jean reçut, rue de la Huchette, une lettre datée d’Austerlitz.

Déjà les courriers de l’Empereur avait annoncé la nouvelle de cette grande victoire au peuple parisien enthousiasmé.

Ce n’était donc pas une nouvelle que la lettre de Grimbalet apportait à Jean Cardignac ; pourtant, il en fut tout heureux.

— C’est une lettre qui vient de là-bas, dit-il ; elle sent la poudre !

Je vous dirai, mes enfants, que Grimbalet n’était ferré ni sur l’écriture, ni sur l’orthographe. Aussi ai-je pris soin, tout en conservant la naïveté du style, de corriger les fautes dont la lettre pullulait, et qui la rendaient presque indéchiffrable, à première lecture, pour son destinataire. La voici :

« Mon lieutenant et tout le monde, je me porte bien et je souhaite que la présente vous trouve de même, et que le lieutenant il soit guéri tout à fait.

« Que c’est dommage qu’il n’ait pas été là, qu’il aurait été rudement content !

« Que donc maintenant je peux dire que je suis soldat pour de bon, mon lieutenant ; que je m’ai battu comme un lion, à ce que dit le caporal de la 8e escouade dont j’en suis ; et qu’il a fait comme vous la campagne de l’Égypte ; que par conséquent, il s’y connaît.