Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/329

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Cette prodigieuse activité de Napoléon stupéfiait l’Europe, jalouse de nous voir si forts, si puissants, gouvernés par un chef unique dans l’histoire.

La Russie et l’Autriche, récemment vaincues, n’osaient encore relever la tête ; mais notre éternelle ennemie, la Prusse, commençait sournoisement des armements contre nous.

Napoléon le savait bien, et ne se laissait pas prendre au dépourvu ; pourtant, il voulait temporiser, tout en se faisant tenir au courant des menées qui se tramaient contre la France.

Or, en juillet 1806, il se produisit des incidents diplomatiques d’une certaine gravité, et immédiatement le contre-coup s’en fit sentir à Berlin. Des manifestations de haine violente contre la France eurent lieu dans cette ville, et, ostensiblement cette fois, le roi de Prusse commença à préparer son armée.

Jean Cardignac, complètement guéri, venait de reprendre son service au 1er grenadiers de la Garde.

— Ah ! pour le coup, dit-il à Jacques Bailly, il n’y a pas d’Anglais à Paris pour me casser l’épaule, et cette fois je crois bien que je ne resterai pas inactif.

Le jeune officier ne se trompait pas,

Dans les derniers jours de septembre, Napoléon vint inspecter le 1er grenadiers.

Il le fit avec minutie ; tout lui passa sous le regard, depuis le bonnet à poil, jusqu’aux clous des souliers.

— C’est bien, dit-il enfin, vous partez demain. Vous avez l’après-midi pour faire vos adieux et vous préparer.

Il remonta en selle et partit au galop pour inspecter le reste de la Garde, et le lendemain, Jean, ayant embrassé tendrement tout son monde, quittait Paris avec son régiment.

Belle-Rose et La Ramée avaient voulu voir partir leur ancien conscrit. Ils attendaient au passage le 1er grenadiers ; et, lorsque le jeune lieutenant, marchant en serre-files, passa devant eux :

— Attention ! mon Tapin ! s’écria Belle-Rose. Bonne chance ! Et souviens-toi de la 9e et de Bernadieu !

— Vive l’Empereur ! souligna La Ramée.