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Junot commandait l’armée du centre. Huit mille hommes, avec la Garde Municipale, restaient à Paris.

Pour tout préparer ainsi, l’Empereur avait passé deux jours à dicter, presque sans s’arrêter, des ordres.

Il avait envoyé prés de deux cents lettres qui sont restées dans nos archives, et qui constituent le plus parfait modèle, dans l’art de commander et d’administrer les armées.

Rien n’avait été oublié par lui pour l’habillement et l’armement. Il avait voulu que chaque soldat eût trois paires de souliers, une aux pieds, deux dans le sac. Il avait préparé d’énormes approvisionnements de vivres, de munitions et de matériel de toute espèce ; les services de l’intendance avaient mis, à remplir leur devoir et à exécuter ses ordres, une ponctualité et une rapidité remarquables.

L’Empereur était donc libre de ses mouvements.

Le 4 octobre 1806, il avait sous la main, rassemblés à la frontière saxonne, six corps d’armée superbes, commandés par les maréchaux Bernadotte, Davout, Soult, Lannes, Ney, Augereau. De plus, Murat, le chef de sa cavalerie, avait à sa disposition vingt-huit mille cavaliers pleins d’ardeur, aguerris et bien montés.

L’armée prussienne et l’armée française étaient sensiblement égales comme nombre ; chacune comprenait environ 165,000 hommes.

Du côté des Prussiens, il y avait d’excellents soldats, élevés à l’école du Grand Frédéric.

Mais de notre côté, l’armée était rompue à la grande guerre par quinze ans de luttes ininterrompues, et sa valeur morale se décuplait du souvenir de trente victoires, et surtout du génie de Napoléon.

Une gaieté, une confiance extrêmes régnaient dans tous nos campements. Aussi, lorsque, le 8 octobre, l’ordre arriva de marcher en avant, la seule peine qu’eurent les officiers fut de modérer l’élan des troupes.

Le 9 octobre, Murat entamait l’armée prussienne et mettait en retraite le corps du général prussien Tauenzien.

Le lendemain, 10 octobre, nous attaquions à Saalfeld, le corps du prince Louis de Prusse. Le prince se comporta très bravement et fut tué, dans un engagement de cavalerie, par un maréchal des logis du 10e hussards. Ses troupes plièrent aussitôt devant nous et s’enfuirent en désordre, laissant