Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/355

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Immédiatement, Jean se rendit auprès du capitaine qui l’accueillit par ces mots :

— Ah ! mon brave ami, je vous attendais… l’Empereur vous fait une surprise !

— Une surprise ?

— Oui, voici votre commission, vous êtes capitaine à la date d’hier.

Il tendait à Jean, ébloui, un parchemin où s’étalaient le sceau et le paraphe de Napoléon.

Le cœur battant à coups précipités, Jean n’eut qu’une idée : écrire aussitôt à la chère absente et lui apprendre son bonheur.

N’est-ce pas doubler une joie que de la partager avec ceux que l’on aime ?

« Capitaine ! écrivait-il. Je suis capitaine, ma chère Lisette ! L’Empereur vient de me donner ma double épaulette et je reste attaché à l’État-Major ! Crois-tu que je puis l’aimer et aurais-je assez de ma vie entière pour le servir ! »


Ainsi, vous le voyez, à vingt-six ans Jean Cardignac était capitaine et chevalier de la Légion d’honneur ! À cet âge où les jeunes officiers d’aujourd’hui sont lieutenants depuis trois ans à peine, il avait déjà quatorze ans de services, dix campagnes et deux blessures graves, sans compter son saut dans l’espace, à Saint-Jean d’Acre.

Quant aux actions d’éclat, il ne les comptait plus.

— Allons, pensait-il, on a raison de dire que chaque soldat porte dans sa giberne le bâton de maréchal… J’arriverai officier supérieur si je ne me romps pas les jambes en route… et qui sait ?

Et ce « qui sait » en voulait dire long !

Alors, me direz-vous, Jean Tapin était donc un ambitieux ?

Mais oui ! parfaitement ! Votre camarade était ambitieux, mais dans le beau sens du mot, bien entendu !

C’est le devoir de tout homme d’avoir de l’ambition. On ne devient un homme de valeur qu’à cette condition.

Dans la ligne de conduite qu’on s’est tracée, dans la carrière qu’on a choisie, on doit viser le plus haut qu’on peut.

Lorsqu’un homme consacre son énergie, son intelligence, son cœur et