Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/373

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Mais la Destinée l’emportait et ce fut avec enthousiasme que les soldats entrèrent en Russie.

Pourtant, dès les premiers jours, Napoléon dut constater avec regret que ses troupes manquaient un peu de cohésion.

Cela tenait à deux causes : la première, qui est certainement la principale, consistait en la grande difficulté de faire arriver en temps utile les approvisionnements nécessaires à cette immense armée.

En Russie, les routes sont relativement rares, même aujourd’hui. À cette époque on faisait des étapes entières dans des steppes, sur des chemins coupés de fondrières, au milieu d’immenses solitudes boisées.

Parfois, sur un parcours de dix lieues, on ne rencontrait pas un village, pas une ferme.

De plus, en se retirant, les Russes, mus par un patriotisme sauvage, détruisaient tout, incendiaient les récoltes pour que l’armée envahissante ne pût en profiter. C’est au milieu de ce pays saccagé que s’avançait Napoléon.

Les officiers d’état-major n’en pouvaient plus.

Pendant la première semaine, Jean Tapin perdit cinq chevaux qui succombèrent de fatigue, tant il y eut d’ordres à porter, non seulement aux généraux, mais surtout aux services des approvisionnements. Notre ami, cependant habitué à la dure, était harassé !

La seconde cause de difficultés était tout autre : des six cent mille hommes qu’il jetait ainsi en Russie, Napoléon n’en avait guère que la moitié en troupes réellement françaises. Le reste était un mélange des divers peuples qu’il avait soumis à sa loi. Il y avait des divisions composées d’Espagnols, d’Italiens, de Hollandais, de Bavarois. Ces hommes n’avaient pas l’esprit militaire du superbe noyau de la vieille Garde, de la jeune Garde, ni de l’infanterie française.

Aussi, parmi ces troupes indisciplinées y eut-il de nombreuses désertions, causées surtout par l’irrégularité du service des vivres.

Vous comprendrez, mes enfants, que ce qui caractérise le parfait soldat, c’est non seulement le courage dans la bataille, mais encore l’endurance aux heures de privations.

Or, le soldat ne supporte les fatigues et surtout la faim, que s’il est soutenu par de nobles sentiments, l’amour du drapeau, le sentiment de la discipline, la confiance dans ses chefs. Les soldats étrangers que ne soutenait