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de départ, et le 26 février, vers midi, il prévint son entourage de sa volonté de s’embarquer.

Les officiers, la Garde et les fonctionnaires civils montèrent sur le brick qui constituait toute la marine de guerre du petit royaume.

Napoléon fit ses adieux à sa mère et à sa sœur Pauline qui, depuis peu, étaient venues le rejoindre, et s’embarqua lui-même à la nuit tombée, sans que personne se doutât où on allait.

Le 28 février le vent s’éleva et le 1er mars Napoléon débarquait au golfe Juan entre Cannes et Antibes sur le rivage de Provence.

Vous dire, mes enfants, avec quel bonheur Jean Cardignac, et d’ailleurs tous ces Français qui s’étaient attachés à la fortune de l’Empereur, remirent le pied sur le sol de la patrie, serait difficile.

Quel était le but de cette pointe audacieuse ? Nul n’osait se l’avouer, mais chacun respirait avec volupté cet air de France et Jean, ayant abordé un douanier qui, à la vue de son uniforme, avait arboré la cocarde tricolore, l’embrassa comme un frère.

Je n’ai pas besoin de vous raconter ici la marche triomphale de Napoléon sur Paris par Grenoble et Lyon. Vous la lirez dans l’histoire comme un des traits les plus audacieux de la vie de Napoléon.

Comme il l’avait dit lui-même, en débarquant, dans sa proclamation au peuple français, l’aigle avait volé de clocher en clocher jusqu’aux tours de Notre-Dame, et le 20 mars, sans avoir répandu une goutte de sang, Napoléon rentrait dans Paris et couchait aux Tuileries.

Le roi Louis XVIII abandonné à son tour par la plupart de ses courtisans, s’était enfui, la veille même, en Belgique.


Arrivé à ce point du long récit que vous avez bien voulu suivre avec moi, mes enfants, je n’ai pas, je vous l’avoue, le courage de vous en retracer en détail la deuxième agonie de l’Empire pendant la période qui porte dans l’histoire le nom des Cent jours. Je n’en ai jamais suivi qu’avec angoisse les suprêmes convulsions, et j’en abrège ici le funèbre exposé.

Napoléon aux Tuileries était une menace pour les rois ; et dès le 13 mars, les souverains alliés traitant son entreprise de « délire criminel et impuissant » lançaient de nouveau leurs armées contre la France.

Or, la France était épuisée : au million d’hommes qui se jetait sur