Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/447

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Mais, en même temps que dans une seule détonation les fusils lançaient leur jet de flamme, l’horizon s’embrasait d’une vaste lueur rouge.

Les canons anglais, eux aussi, avaient tonné !

La mitraille passa en sifflant !… Comme le bruit du tonnerre, l’écho de la détonation s’éteignit par saccades au fond de cette vallée de carnage ; et quand il cessa, le dernier carré n’était plus !

La Garde était morte !  !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Seule, l’Aigle dorée dominait encore le monceau des cadavres ; et lorsque les Anglais, presque craintifs, arrivèrent auprès de ces héros qu’ils semblaient redouter jusque dans la mort, ils virent que la hampe du drapeau était en quelque sorte calée par les corps de Cambronne, du général Michel et du colonel Cardignac.

…Mais, si l’étendard restait encore droit, glorieux et pour ainsi dire menaçant, c’est qu’un grenadier, tombé sur les genoux, le soutenait de la main droite : sa main gauche crispée sur sa croix d’honneur comprimait vainement le sang qui s’échappait de sa poitrine.

Les yeux fous, la bouche tordue par la colère, le grenadier en voyant les Anglais approcher, se redressa.

D’un sublime effort il éleva au-dessus de sa tête les glorieux lambeaux du drapeau du 1er Grenadiers ; il voulut crier quelque chose, ne le put, et retomba en serrant l’Aigle contre sa poitrine.

Grimbalet — c’était lui — était mort !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et là-bas, dans la nuit, le Grand Empereur, qui n’avait pu mourir en soldat parce que ses généraux l’avaient entraîné, quittait le champ de bataille.

L’Armée Française n’existait plus.