Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quant aux deux enfants, le coup de pistolet les avait d’abord atterrés. Ils s’étaient blottis dans un angle de la pièce, et contemplaient cette scène avec terreur.

Henri, l’uniforme déchiré, gris de poussière et de débris de plâtre, venait de se dégager.

— N’ayez, pas peur, mes enfants, dit-il. Ne bougez pas… j’arrive à temps !

Il avait repris tout son calme, et s’adressant au nègre, il lui dit en arabe :

— Jette ton arme !

L’autre grinça des dents, mais n’obéit pas.

— Ah ! c’est comme ça, brigand ! reprit Cardignac. Eh bien, nous allons voir !

Avec un merveilleux sang-froid, Henri rechargea son pistolet ; puis, toujours en arabe :

— Je te casse la tête comme à un chien enragé, assassin d’enfants, si tu ne te rends pas !

Le musulman, pour toute réponse, fit un violent effort, réussit à se relever sur les genoux, et lança dans la direction de Henri un furieux coup de pointe.

Un coup de feu fut la riposte, et le nègre s’abattit, pour tout de bon cette fois, avec une balle entre les sourcils.

Henri ne perdit pas de temps à l’examiner, et s’approchant des deux petits :

— Mes pauvres enfants, vous êtes sauvés… il était temps ! La petite fille, traînant toujours à ses jupes son petit frère terrorisé, s’était jetée contre l’officier et lui serrait le bras nerveusement.

— Ah ! mon Dieu ! gémit-elle. Ah ! monsieur ! notre pauvre papa !… notre pauvre papa !

— Hélas ! soupira Henri, en jetant un coup d’œil sur le malheureux assassiné… C’était votre père !

— Oui, monsieur… oui, monsieur !

Et la fillette, tombant à genoux, s’abîma dans un profond désespoir.

Chose étrange, le petit garçon ne pleurait plus. Ses grands yeux bruns ne pouvaient se détacher de leur sauveur. Il semblait rêver tout éveillé ; mais de temps à autre, un profond soupir crispait ses lèvres et soulevait sa poitrine.