Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/124

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— Bonjour, capitaine Cardignac !… Mes compliments, sais-tu ? Cette apostrophe, lancée par un des amis de Henri, le docteur Alfred Cousturier, aide-major à la légion étrangère, arracha brusquement l’officier à son rêve.

— Tiens ! c’est toi, Alfred, dit-il ; où vas-tu comme ça ?

Henri, absorbé dans ses pensées, n’avait pas même remarqué l’appellation de capitaine, accolée à son nom par son ami.

— Je vais déjeuner, répondit le docteur, et je viens de la grande ambulance. Et toi ? tu vas à l’état-major ?

— Oui.

— Recevoir ton nouveau galon ?

— Comment ça ? fit Henri stupéfait.

— Vraiment, tu ne le savais pas ? s’exclama le docteur en constatant l’étonnement de Henri. Mais, mon bon, j’en arrive, moi, du quartier général. Les vides sont comblés, les promotions nouvelles signées ; tu es capitaine, et cela sur la proposition de Lamoricière lui-même, qui, bien qu’il soit en piteux état, t’a signalé au général Valée. Heureux gaillard !

— Non, tu veux rire ! Ce n’est pas possible !…

— Mais, espèce d’entêté, puisque je te le dis !

— Alors, tu dois savoir pourquoi Lamoricière m’a proposé. Moi, je ne vois pas bien ce que j’ai fait, de plus que les autres.

— Tu es trop modeste, mon cher ami ; tu es monté le premier à l’assaut de la brèche, et si tu n’es pas arrivé en haut le premier, c’est parce que Lamoricière t’en a empêché ; tout se sait, mon cher ! Et voilà !!! File, dépêche-toi, on t’attend !

Le docteur Cousturier fit volter Zepherlick, son petit cheval gris, l’enleva et partit au galop, non sans lancer à son ami un retentissant :

— Heureux veinard !

Henri, vous le pensez bien, mes enfants, ne fut pas long à gagner le quartier général, et je vous laisse à penser sa joie.

Le général Valée, l’embrassant, lui confirma sa nomination, et en même temps lui annonça qu’il le gardait à l’État-Major. Séance tenante, il le chargea de veiller aux préparatifs nécessaires pour rendre les derniers devoirs au malheureux général Damrémont, ainsi qu’aux officiers et soldats tués devant Constantine.