Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/194

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l’histoire de votre famille ; mais je sais aussi que vous êtes un savant… Ne protestez pas ! Je sais la part qui vous revient dans les travaux de M. l’ingénieur Normand, et de plus on m’a renseigné sur les travaux personnels auxquels vous vous livrez au ministère avec le commandant Treuille de Beaulieu : or ces travaux m’intéressent doublement, et comme chef de l’armée, et comme artilleur. Avez-vous trouvé un système de fermeture pratique ?

— Sire, répondit Jean tout en rougissant, je cherche…

« Théoriquement, je crois avoir trouvé quelque chose, mais je ne voudrais rien affirmer à Votre Majesté, car, de la théorie à la pratique, il y a loin… J’ai commandé mon système de vis de culasse évidemment chez un mécanicien habile ; mais il faudrait que des essais fussent faits au polygone, avec de fortes charges, sur des canons munis de cette fermeture… et je ne sais si la Direction consentira…

— J’en fais mon affaire, capitaine. Envoyez-moi vos plans… Et les rayures ? Où en êtes-vous ?

Notre ami s’expliqua en détail.

Napoléon iii, souriant silencieusement, le laissait parler. Puis, quand il eut terminé :

— Capitaine, il y a dans ce que vous venez de me dire d’excellentes choses ; mais j’ai encore mieux que cela. Venez ! je vais vous montrer mes plans.

L’Empereur, passa devant Cardignac, gagna un petit bureau contigu à son cabinet ; et, du tiroir d’un de ces meubles spéciaux à la conservation des dessins, il tira un dossier qu’il étala sur une table. C’étaient des épures et des tracés, exécutés par l’Empereur lui-même, et concernant la rayure à adopter pour les canons de campagne.

Alors le souverain disparut pour faire place au mathématicien, et il n’y eut plus, dans la pièce, qu’un ingénieur expliquant à un autre ingénieur — cela avec une remarquable facilité d’élocution — la théorie des rayures, de leur pas, de leur nombre et de leur profondeur.

— Voilà ce que je veux faire mettre en expériences immédiatement, conclut-il : car la puissance qui prendra l’avance sur les autres dans cette question, aura décuplé ses forces militaires, et cette puissance, je veux que ce soit la France. Vous voyez, capitaine, que nos deux systèmes sont presque