Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/205

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pauvre petit être vagissant qu’elle avait tant désiré, elle avait souri tristement, comme toutes les mamans qui pensent à la guerre possible !

Et cette tristesse l’envahissait devant les vœux de ces soldats qui, héritiers de traditions héroïques et de souvenirs guerriers, ne pouvaient entrevoir, pour le continuateur de leur nom, de plus belle carrière que celle des armes !

N’avaient-ils donc point assez donné de leur sang et de leur cœur à leur pays depuis soixante ans !

Et, puisque le génie humain semblait prendre un essor inattendu, que la science marchait à pas de géants, que l’avenir semblait appartenir aux inventeurs et aux savants, pourquoi ne ferait-on pas de son Georges un ingénieur ?

Elle n’avait pas, la pauvre et douce Valentine, vécu son enfance au milieu des récits de combat et des bruits de guerre, et elle souhaitait une paix éternelle qui lui garderait toujours et son fils et son mari.

Mais ce vœu-là, jamais la Providence ne l’exaucera.

Retenez-bien ceci, mes enfants, pour ne pas tomber plus tard dans les divagations de certains rêveurs : la paix, la paix éternelle n’est qu’un mythe, une utopie, et quel que soit le degré de civilisation auquel parvienne l’humanité, on n’arrivera jamais à supprimer la guerre.

Car il y aura toujours des races différentes par les mœurs, le langage et les traditions ; les unes jalouses de leur prédominance comme l’Allemagne, les autres rapaces comme l’Angleterre, celles-ci sentimentales comme la France, celles-là ambitieuses comme la Russie. Il y aura toujours des nations en décadence comme la Turquie, en décomposition comme la Chine, c’est-à dire des proies toutes marquées pour tomber entre les mains des peuples ou plus jeunes ou plus forts.

Il y aura donc toujours des motifs de querelle et de guerre à la surface de notre globe.

Et ne le regrettons pas, mes enfants, car s’il n’y avait pas tout cela, si la paix régnait pour toujours, vous verriez s’installer auprès d’elle le pouvoir exclusif de l’argent et l’unique souci du bien-être.

L’humanité y gagnerait-elle ? non, croyez-m’en, et quoique ces considérations soient choses bien sérieuses pour vos jeunes intelligences, laissez-moi vous dire et vous redire que la guerre est, à certaines heures, nécessaire aux peuples, car elle les rappelle à la pratique des grandes vertus, sans