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célèbre Yusuf, et toujours à l’affût des occasions de marcher à l’avant-garde, il avait sollicité, sans l’obtenir d’ailleurs, l’honneur de servir de nouveau sous ses ordres. Il n’eut pas à regretter son échec, car le corps d’irréguliers auquel commandait Yusuf et qui portait le nom de spahis d’Orient, se signala par des atrocités indignes d’une armée civilisée, coupant les têtes des cosaques et massacrant les blessés russes.

En revanche, quand commença la retraite des divisions françaises décimées par le choléra, ces mêmes spahis disparurent comme une volée d’oiseaux de proie, abandonnant l’armée.

C’étaient les fameux baschi-bouzouks, tourbe de brigands, de voleurs et de pillards, qui, obligés par le Sultan à servir à leurs frais, suivaient les armées régulières au même titre que les corbeaux.

Le corps des spahis d’Orient fut dissous six semaines après sa formation.

En un mois, le choléra avait tué deux mille cinq cents Français et en avait touché gravement trois mille quatre cents.

C’était l’équivalent d’une bataille perdue : il fallait, sans retard, détourner de ce triste souvenir l’activité des armées alliées, et le 30 août, l’expédition de Crimée fut décidée.

C’est dans cette presqu’île, autour de l’importante place de guerre de Sébastopol, qu’allait se décider la question d’Orient.


Ce fut un beau spectacle, je vous assure, que celui de cette flotte de plus de trois cent cinquante vaisseaux à vapeur et à voile, voguant vers la Chersonèse taurique des anciens, la Tauride de Catherine II.

Elle emportait trente mille Français, six mille Turcs et vingt et un mille Anglais, et les débarquait, le 14 septembre 1854, sur la plage d’Old-Fort, située à soixante kilomètres au nord du port de Sébastopol.

Savez-vous, mes enfants, combien le corps expéditionnaire de Français comptait de cavalerie le jour de son débarquement ? cent quarante chasseurs d’Afrique seulement et un peloton de spahis algériens : faute de moyens de transport, on n’avait pu en embarquer davantage.

Aussi, Henri Cardignac qui avait incorporé dans son escadron le brigadier Delnoue et le chasseur Pierre Bertigny, Henri, dis-je, avait tout fait pour que cet escadron fût choisi de préférence aux autres, et désigné