Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/241

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un Tatar m’en a dit le nom : Almatamak ; la rivière qui coule au bas de ces hauteurs s’appelle l’Alma : le même paysan la dit guéable en plusieurs points. — Du côté de la mer, les hauteurs deviennent escarpées et inaccessibles. Elles ne semblent abordables qu’entre Almatamak et un autre village, qui paraît à deux kilomètres sur la gauche et qui s’appelle Bourliouk.

— Merci, lieutenant, dit le commandant Cardignac, voilà une reconnaissance heureuse et qui vous fait honneur : allez vous-même, car je veux vous en laisser tout le profit, porter ces renseignements au Maréchal : ils sont d’autant plus précieux que nul d’entre nous ne possède de carte du pays.

— Et vous savez, mon commandant, ajouta le lieutenant, faisant allusion à la conversation que nous connaissons, mes hommes ne m’ont pas lâché d’un cran : pas un indisponible ! mais aussi quels chevaux !

— Parfait, parfait ! mon cher camarade, fit Henri en riant.

— Quand les chevaux vont bien, voyez-vous, mon commandant, tout va bien, dit encore l’officier.

Et debout sur sa selle, l’air triomphant, il partit au galop dans la direction du gros de l’armée.

Le soir vint : les armées alliées avaient suspendu leur marche, remettant au lendemain l’attaque de la forte position des Russes ; l’armée du prince Menchikof était là en effet tout entière, bordant le plateau, et ses feux étincelaient, étages depuis la rivière jusqu’aux sommets de la grande montagne qui formait sa droite.

La nuit froide et sombre se passa sans incident. À l’aube, la diane, de son rythme alerte, sonna le réveil dans tous les régiments bivouaques dans la plaine, pendant que le vent apportait des hauteurs les accents religieux et guerriers de l’hymne russe, « et que les popes, la croix en tête, passaient à travers les rangs des soldats du Tsar, en jetant l’eau bénite sur les hommes agenouillés ».

La bataille de l’Alma allait commencer !