Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/308

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D’un point moins exposé, Jean put examiner le relief de Malakoff, et quand il eut entendu la description que lui fit son frère de l’organisation intérieure de l’ouvrage :

— Ce sera un dur morceau à avaler, déclara-t-il, et le mieux serait de pousser la tranchée le plus près possible du parapet, pour éviter aux troupes d’assaut un trop long trajet à découvert.

Jean avait vu juste, et ce fut pour avoir lancé les troupes de trop loin et les avoir obligées à franchir, quatre cents mètres sous un feu écrasant, qu’échoua le premier assaut de Malakoff. Il eut lieu le 18 juin.

Inutile de vous dire, mes enfants, que, ni à cet assaut, ni au suivant, on ne fit usage des boucliers de Napoléon iii

L’échec subi par le corps de siège retentit douloureusement dans toute la France.

Le général Pélissier d’ailleurs eut sa part de responsabilité personnelle ce jour-là, car, ne pouvant supporter le trot d’un cheval plus de quelques minutes, il arriva en retard d’une heure à la redoute Victoria, où Lord Raglan l’attendait, et d’où la fusée, signal d’attaque, devait partir. Ce qui prouve que les qualités morales et la supériorité intellectuelle d’un chef doivent être étayées par la vigueur physique.

En même temps que le général en chef, une brigade, égarée dans la nuit, était arrivée trop tard ; une autre prit une bombe pour la fusée de signal et s’élança trop tôt ; deux généraux furent tués ; les colonnes vinrent se briser contre la ligne russe avec quatre mille hommes de perte : les Anglais, de leur côté, échouèrent dans l’attaque du Grand Redan.

Tout était à recommencer, et cette date du 18 juin, qui avait été choisie tout exprès pour substituer une victoire mémorable au triste anniversaire de Waterloo, restait pour l’armée française une journée de malheur.

Dix jours après, Lord Raglan mourait à son tour du choléra, comme était mort le Maréchal de Saint-Arnaud.

Puis les Russes, encouragés par l’échec des alliés, les attaquèrent à Traktir ; mais ils furent vigoureusement repoussés, et dès lors les travaux furent menés avec une activité fiévreuse contre la tour Malakoff.

Enfin le grand jour se leva, C’était le 8 septembre.

Tout le monde avait hâte d’en finir, et les soldats demandaient à grands cris l’assaut qui les débarrasserait des obsédantes corvées de la tranchée.