Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au total huit drapeaux, nobles entre tous les drapeaux de l’armée française.


Lorsque vers le soir, les fameuses divisions de la Motterouge, Camou, d’Espinasse furent entrées dans Magenta en flammes, après un combat furieux, Pierre, qui appartenait au 4e régiment de chasseurs, c’est-à-dire à la brigade Gaudin de Vilaine, arriva, avec son peloton, en vue d’une ferme isolée, située à quelque distance du village conquis.

L’armée autrichienne était en pleine retraite vers le bas Tessin.

Depuis le matin, hommes et chevaux avaient escadronné par monts et par vaux et n’avaient rien mangé. Pierre, se souvenant des leçons de son ancien chef, le lieutenant Vautrain, devenu son capitaine, jugea le moment venu de réquisitionner, pour son peloton, du fourrage et des vivres.

— Les chevaux ne seraient plus capables de fournir une poursuite de deux heures si nous ne leur donnions la botte, dit-il à son maréchal des logis, un Parisien débrouillard et dévoué ; cherchez le propriétaire de cette « cascine » et amenez-le à nous fournir des vivres.

Et laissant son sous-officier à ces recherches, sans permettre à son peloton de se débander, car il fallait se garder de toute surprise, Pierre plaça lui-même des sentinelles aux issues de la ferme et fit mettre pied à terre à ses cavaliers dans la cour.

La maison d’habitation était vide, mais, détail curieux, on y trouva tout un jeu de drapeaux, les uns autrichiens, les autres français : suivant que l’une ou l’autre armée semblait devoir être victorieuse, l’Italien arborait ceux-ci ou ceux-là.


En quoi il imitait ses compatriotes de Villafranca dont l’histoire est assez plaisante pour vous être racontée.

Le 3 juillet, ils pavoisèrent leur ville aux couleurs de l’Autriche, l’Empereur leur ayant fait l’honneur de dîner chez eux ; puis, le 4, lorsque le Maréchal de Mac-Mahon s’installa dans l’hôtel d’où François-Joseph avait décampé rapidement le matin même, ils se hâtèrent de leur substituer les drapeaux tricolores.

Mais, le lendemain 5, sur l’ordre de Napoléon III, le deuxième Corps français, dont la position semblait aventurée, s’étant replié sur San Lucia, les mêmes habitants firent disparaître avec la même vélocité les trois couleurs