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plaines du Pô, jusqu’à celui où Victor-Emmanuel, émancipé par la France, s’allia contre elle à Guillaume Ier, empereur d’Allemagne, notre vainqueur de 1870.


Trois mois à peine après leur mariage, et au retour d’un congé qu’ils passèrent à Milan, Pierre Bertigny et sa jeune femme reçurent l’avis d’un nouveau bonheur, dont l’auteur était cette fois l’Empereur lui-même.

Le jeune officier était nommé sous-lieutenant aux guides.

Vous ne pouvez guère aujourd’hui, mes enfants, vous faire une idée de ce qu’était alors le régiment des « guides de la Garde impériale », car il n’existe plus, et rien ne l’a remplacé, pour la bonne raison d’ailleurs que les guides étaient les gardes particuliers de la personne de l’Empereur, et que la chute de l’Empire, en 1870, vit en même temps la disparition des guides.

C’était Napoléon Ier, en 1796, alors qu’il n’était que le général Bonaparte et qu’il commandait l’armée d’Italie, qui les avait créés à la suite d’une surprise de guerre dans laquelle, aventuré sans escorte, il avait failli être pris par les Autrichiens.

Bessières en avait organisé le premier escadron, noyau des chasseurs à cheval de l’ancienne Garde impériale. Dénommés « guides d’État-major » en 1848, ils avaient été réorganisés, et sous Napoléon III, ils formaient un magnifique régiment.

Ils rivalisaient de distinction et d’élégance avec le fameux corps des cent-gardes, composé des plus beaux hommes de l’armée, et dont la tunique bleu de ciel à col écarlate, la cuirasse étincelante et le casque à crinière faisaient l’admiration des visiteurs des Tuileries.

Pierre endossa la veste collante à brandebourgs et la pelisse flottante ; il se coiffa du colback à plumet, mit à son côté la large sabretache à triple bélière ornée de l’aigle impériale et vint se fixer à Paris.

Il fallait posséder une certaine fortune pour tenir un rang dans ces corps d’élite, car la vie dans la capitale, le souci d’une tenue luxueuse et toujours brillante, constituaient, pour un sous-lieutenant, une lourde charge ; mais la famille Renucci avait pu vendre dans des conditions favorables, grâce à l’heureuse issue de la guerre, l’important domaine qu’elle possédait en Lombardie, et la dot de Margarita s’était trouvée cinq ou six fois supérieure à la maigre dot de 30.000 francs qui, sans varier depuis 1848, en dépit des besoins