Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soulevé contre Charles x, commençait la révolution de 1830 qui devait chasser les Bourbons du trône de France.

La garnison de Paris, sous les ordres du maréchal Marmont, duc de Raguse — celui-là même qui fut si fatal à Napoléon, et qui devait encore, en ces journées terribles, être fatal à sa Patrie en rougissant de sang français le pavé de Paris — la garnison, disons-nous, était tout entière sous les armes et combattit les insurgés.

Paris était couvert de barricades ; grisée par l’odeur de la poudre, l’armée faisait son devoir avec discipline, mais elle le faisait avec une mollesse bien significative : le plus grand nombre des soldats pensait tout bas que la cause du peuple était juste, et tous ceux qui avaient connu de drapeau tricolore le voyaient avec une grande émotion surgir au milieu de la foule enfiévrée.

Que de souvenirs glorieux en effet s’échappaient de ses plis, et comment, à quinze ans de distance seulement, auraient-ils pu être oubliés ?

Aussi de tous côtés l’insurrection s’étendait, et l’élan était tel que les élèves de l’École Polytechnique, sautant par dessus les murs de l’école, vinrent se mêler aux insurgés qui les acclamèrent comme leurs chefs.

Plusieurs de ces polytechniciens furent tués dans ces sanglantes journées. L’un d’eux, qui dirigeait l’attaque de la caserne de Babylone, reçut une balle qui l’étendit raide mort. Il se nommait Vaneau, et, en souvenir de sa bravoure, on a baptisé de son nom une rue voisine de l’endroit où il tomba.

Vous comprenez sans peine, mes enfants, que cette levée en masse des Parisiens, arborant le drapeau tricolore dut terriblement secouer l’âme de tous les camarades du colonel Cardignac. Aussi la plupart d’entre eux se ruèrent-ils à l’assaut du gouvernement qui, d’après eux, n’était parvenu à se substituer au régime impérial qu’avec l’appui des baïonnettes étrangères.

Quant au colonel lui-même, il se trouvait justement à Paris, en quête de nouvelles d’Alger, quand les premiers coups de feu éclatèrent ; mais, partagé entre sa tristesse et l’enthousiasme que lui causait la révolution, il fut en outre envahi d’une crainte, qui le fit pâlir.

— Pourvu, pensa-t-il, qu’on n’ait pas adjoint les élèves de l’École d’Artillerie aux troupes de répression ! Pourvu que mon Jean ait la chance de ne pas avoir à combattre « mon » drapeau !

Et cette seule pensée l’empêcha d’aller revêtir son vieil uniforme et de