Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/70

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Le peuple, lui non plus, n’avait pas oublié, et ce fut, sans conteste, cette page de l’histoire du duc d’Orléans qui lui valut la couronne.

Néanmoins, — comme toutes les convulsions politiques, cette révolution avait amené des troubles intérieurs, et le service des courriers s’en était ressenti.

C’est pourquoi la lettre tant attendue de Henri, ayant subi des retards, n’arriva que le 1er août.

Quel bonheur elle apporta avec elle : je n’essayerai pas de vous le décrire. Lise en la recevant et en l’ouvrant d’une main tremblante, était transfigurée.

Ce fut le colonel qui, la lui prenant des mains, se mit à lire.

Après les premières effusions de tendresse, Henri racontait ce que vous connaissez déjà de la première phase de sa captivité ; puis venait le récit de la prise d’Alger et de la délivrance des captifs.

« Vois-tu, ma petite mère, écrivait-il, lorsque nous avons entendu le premier coup de canon tiré par l’armée, une terrible émotion nous envahit tous ; malgré ma foi dans un miracle, malgré l’apparente confiance que j’avais montrée jusque-là, j’étais absolument convaincu que nos têtes allaient rouler à terre, comme hélas ! celles de nos pauvres soldats.

« Et j’étais bien résolu à ne pas laisser couper la mienne sans résister avec toute l’énergie du désespoir.

« Lakdar — notre ami le janissaire — n’était guère plus rassuré que nous, et ses soucis se lisaient dans les regards inquiets qu’il jetait sans cesse vers la porte, car il fut de garde auprès de nous pendant cette inoubliable journée.

« Pourtant, le lendemain, il revint un peu plus tranquille.

« — Hussein, nous dit-il, m’a donné l’ordre d’attendre : trois cheiks ont été pris à l’attaque de Sidi-Ferruch, et je pense qu’il va vouloir les échanger contre vous.

« Et puis, sûrement, il craint pour sa propre peau, si les Français sont vainqueurs et lui demandent compte de ses prisonniers.

« — C’est même là notre plus sérieuse garantie, répondit de Nessy : espérons.

« Tout de même les journées nous semblaient terriblement longues, et puis je pensais à votre détresse, au chagrin immense de petite mère, qui a dû passer par des heures bien douloureuses en pensant à moi. Mais votre