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Chef reconnu de toute l’Algérie insurgée, Abd-el-Kader était maintenant l’âme de la résistance.

Toujours à cheval sur les confins du Maroc, il se dérobait, lorsqu’on le serrait de trop près, pour revenir ensuite plus hardi, plus entreprenant, au milieu de ses guerriers, dont certains, qu’on nommait « les cavaliers rouges de l’Emir », s’étaient acquis une réputation justifiée de férocité autant que de bravoure.

Aussi la guerre s’éternisait, non seulement dans la province d’Oran, mais autour d’Alger et de Constantine.

Et les gouverneurs se succédaient, lançant vers l’intérieur du pays de nouvelles colonnes, qui glanaient de nouveaux lauriers, sans amener la pacification.

De la gloire, ah ! certes, mes enfants, chaque journée de la conquête compte de la gloire, même dans les insuccès ; car, dans l’armée française, on n’a jamais été vaincu sans honneur. Néanmoins, il faut bien reconnaître à chacun ses mérites et dire que nous n’avons pas toujours été victorieux.

Abd-el-Kader fut bien, à la longue, définitivement vaincu. Mais il a, lui aussi, sa part de gloire militaire dans la défense de son pays ; aussi nous nous honorons nous-mêmes, en disant qu’il fut un brave.

C’est ainsi qu’en juin 1835, il surprit, non loin d’Oran, dans les marais de la Macta, une colonne française, commandée par le général Trézel.

Henri qui commandait l’extrême pointe eut à subir les premiers coups de fusil.

C’étaient les fantassins réguliers de l’Émir qui, postés au haut de rochers abrupts, commençaient à tirer sur la colonne.

Leur première salve abattit cinq spahis et leurs chevaux ; les autres chevaux, effrayés, se cabrèrent ; il y eut un instant de confusion.

Énergique sous le feu, Henri rallia son monde, fit enlever en croupe trois des spahis qui n’étaient que blessés, envoya un cavalier prévenir à toute allure la colonne de ce qui se passait, et, posément, battit en retraite sous la fusillade.

Mais à peine avait-il rejoint le gros de la colonne française que le feu redoubla : les hauteurs étaient toutes occupées par l’ennemi.

Soudain, une charge à fond des cavaliers d’Abd-el-Kader arriva comme une trombe.