Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/113

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dans une « coupe » au milieu de laquelle se dressait une hutte recouverte de terre et de gazon.

Plus loin un paysan, aidé de sa femme et d’une fillette, s’occupaient à construire, avec des rondins de bois, un de ces monticules qu’on rencontre si souvent en forêt, servant à fabriquer le charbon de bois, et qui constituent eux-mêmes le four à charbon.

À ma vue, ils s’arrêtèrent dans leur besogne, et l’homme, dont le visage noir n’était dénué ni de bonté ni d’intelligence, me dévisagea d’un regard franc et dit simplement :

— Vous êtes poursuivi, pas vrai ?

— Oui !… Ils sont sous bois ! Ils arrivent derrière moi !

— Ah ! les canailles !

Il hésita un instant, scrutant l’horizon d’un air inquiet ; puis, prenant une détermination :

— Couchez-vous là-dedans ! fit-il.

Il m’indiquait le lit de bûchettes à demi édifié pour son four.

« Allez ! Allez ! Dépêchez-vous ! insista-t-il en voyant ma surprise. Ils vont bientôt être là : je les entends ben ! Nous avons pas d’temps à perdre.

J’obéis et m’étendis sur le dos, et l’homme, aidé de sa femme et de sa fillette, se mit à me recouvrir de bûchettes.

Cela se fit avec une rapidité invraisemblable.

Aucun de mes trois sauveteurs ne parlait ; bientôt je n’eus plus que le visage à l’air libre et le charbonnier, plaçant au-dessus de mes yeux et de ma bouche deux branchettes flexibles en forme de pont, recouvrit le tout de légers rondins… J’étais enseveli sous un lit de bois !

L’homme, se penchant vers moi, me souffla alors :

— Surtout ! bougez plus ! Nous serions « tertous » fusillés !. Les v’là qui arrivent !

J’étais fort mal à l’aise, c’est vrai ! Les rondins m’entraient dans les reins, me comprimaient la respiration ; mais enfin l’air pénétrait quand même jusqu’à moi.

J’entendais le charbonnier qui continuait son travail un peu plus loin et donnait des ordres à sa femme et à sa « mioche » ainsi qu’il l’appelait.

Sa voix avait bien un léger tremblement, et certes… il y avait de quoi être ému !