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« homme » dans la plus belle acception du mot, et il l’avait prouvé vaillamment.

Sa guérison avait été rapide ; le sang généreux qui coulait dans ses veines y avait largement contribué ; car, vous le saurez, les natures saines se remettent plus vite d’une blessure grave que les tempéraments appauvris d’une blessure légère ; mais il faut ajouter que la volonté, l’ardent désir du jeune homme de reprendre les armes avaient encore hâté son rétablissement.

Lorsqu’il avait clos ses impressions de guerre, il y avait déjà plusieurs jours qu’il se levait.

D’abord il avait fait quelques pas dans la chambre, appuyé sur une béquille ; puis graduellement, les forces revenant, il s’était contenté d’une canne, et ce jour-là, 18 décembre 1870, notre ami rentrait sans fatigue au bras de son ami Paul Cousturier d’une excursion à travers la ville.

Je n’ai pas besoin de vous dire, mes enfants, que votre camarade ne portait pas, au cours de ses sorties, son joli costume en toile bise de franc-tireur vosgien.

Ah ! mais non ! car il n’aurait pas fallu badiner sur ce chapitre-là ; les Prussiens qui, vous le savez, occupaient Dijon, l’eussent fait prisonnier sans hésitation, tout jeune qu’il fût, et ils étaient féroces vis-à-vis des francs-tireurs qu’ils se refusaient à reconnaître comme belligérants et qu’ils fusillaient impitoyablement.

Or, ce jour-là, 18 décembre 1870, vers cinq heures du soir, Georges et Paul tournaient l’angle de la rue Saint-Philibert, quand un bruit de chevaux et de ferraille secouée les fit s’arrêter, juste au coin du bureau de tabac qui se trouvait à cette époque en face de l’église Sainte-Bénigne.

Dans la rue, une foule d’artilleurs allemands se pressaient, hâtant le trot ; puis, derrière eux, des fourgons, des caissons et des canons emplissaient la rue du fracas de leurs roues, bondissant sur les pavés.

— Tiens ! tiens ! fit Paul… On dirait qu’ils n’ont pas l’air si fiers que ça, ces « messieurs ».

— En effet ! ils semblent plutôt penauds, riposta Georges à mi-voix.

Et comme un canon passait devant eux, Georges Cardignac se penchant vers son camarade lui souffla :

— Tiens ! regarde ! Ce n’est plus six chevaux qui attellent une pièce, mais