Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/151

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L’un d’entre eux, nommé Fontaine, tomba en leur pouvoir ; les misérables l’attachèrent à la rampe du grand escalier de pierre, le couvrirent de paille et de fagots, l’arrosèrent de pétrole et le brûlèrent à vif !

Quand nous reprîmes le Crêt-de-Pouilly, on retrouva le malheureux complètement carbonisé.

Vous voyez, mes enfants, quelle férocité, quelle sauvagerie sans nom déployèrent les Prussiens pendant la guerre. Souvenez-vous de Bazeilles et du château de Pouilly ! Paul Cousturier s’en souvient, je vous l’assure, car il fut un de ceux qui découvrirent les ossements calcinés du pauvre homme.


Je termine sur ce trait, mes enfants, l’histoire de cette horrible guerre ; je ne voulais pas m’y attarder aussi longtemps, car l’évocation de cette année de deuil et de larmes, 1870-71, est une des plus lugubres de notre histoire.

Mais j’ai réfléchi que ce souvenir, gravé si profondément dans l’âme de vos parents, devait être retracé aussi dans vos jeunes âmes, et j’ai mis à nu toutes les misères, toutes les défaillances et aussi tous les héroïsmes qu’il comporta.

Elle nous coûta cher, cette guerre, et ses sinistres résultats pèsent encore lourdement sur la France.

Les préliminaires de paix, signés le 26 février, furent ratifiés à Bordeaux le 1er mars par l’Assemblée nationale.

Nous devions, par suite des conventions stipulées, payer une indemnité de guerre de cinq milliards ! Cinq milliards ! le chiffre parut formidable et il l’était en effet : songez en effet, mes enfants, au monceau d’or que représente ce chiffre de cinq milliards ! et pourtant à peine Bismarck l’eut-il fixé, qu’il regretta de ne pas en avoir exigé le double, car lorsqu’on fit appela l’épargne, sous forme d’emprunt, pour combler cette formidable échéance, la France et même l’étranger souscrivirent pour trente-deux milliards ! … alors qu’on n’en demandait que cinq.

La confiance en nous n’était donc pas ébranlée ; mais la partie cruelle du traité de paix, signé définitivement le 10 mars à Francfort, fut la cession de l’Alsace et de la Lorraine qu’exigèrent les vainqueurs !

Je n’ai pas besoin d’insister sur ce point douloureux ; car les murs de nos écoles vous le rappellent incessamment, mes enfants ! Lorsque vous jetez les