Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/209

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Désireux de réaliser un vœu concerté avec sa mère, Georges, après la cérémonie funèbre et la visite au monument, simple colonne de marbre, remplacée depuis par un bronze admirable, Georges, disons-nous, se dirigea vers le presbytère.

Le curé de Mars-la-Tour, l’abbé Faller, un véritable curé de frontière, dont le nom est inséparable de ce touchant anniversaire, conversait avec un homme à la moustache rude, aux cheveux blancs, sanglé dans une redingote ornée d’un ruban rouge. En voyant s’avancer vers lui les trois Saint-Cyriens, il vint au-devant d’eux :

— M. le commandant Marin,… dit-il en présentant les jeunes gens à son interlocuteur.

— Monsieur le curé, dit Georges en s’inclinant, me permettez-vous une requête ?

— Certes, fit le prêtre.

Et notre ami, se nommant, exposa que sa mère et lui désiraient voir, dans l’église de Mars-la-Tour, une plaque de marbre portant le nom du colonel Cardignac, avec la date de sa mort, 18 août 1870, et le lieu où il était tombé : Saint-Privat.

Le curé de Mars-la-Tour n’eut pas le temps de répondre. Comme un écho, le vieux commandant venait de répéter les deux noms :

— Le colonel Cardignac ! Saint-Privat !… Et s’élançant vers notre ami :

— Seriez-vous son fils ? demanda-t-il, avec toutes les apparences de la plus vive émotion.

— Oui, mon commandant,

— Alors, reprit le vieil officier, vous vous appelez Georges et Madame votre mère a pour prénom Valentine ?…

— C’est exact, mon commandant, répondit Georges avec un tremblement dans la voix ; auriez-vous connu particulièrement mon pauvre père ?

— Il était mon colonel au 6e Corps, répondit le vieil officier, et je commandais, sous ses ordres, deux batteries réduites à cinq pièces. Oui, reprit-il d’une voix grave, je l’ai connu aussi intimement qu’on peut connaître un homme, car je l’ai vu mourir.

— Oh ! mon commandant !… fit Georges, devenu soudain d’une pâleur de cire.