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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/227

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obligations vis-à-vis de leurs chefs et de leurs camarades. C’est ainsi que, dans le cours de la semaine qui suivit leur arrivée, ils furent reconnus devant leurs compagnies et reçus par le corps d’officiers de leur régiment.

C’est un grand jour dans la vie d’un officier, mes enfants, que celui où il reçoit ainsi, pour la première fois, l’investiture devant ses subordonnés, devant ses hommes. Il y a quelque chose de solennel dans cette présentation du jeune sous-lieutenant à sa compagnie, et le cœur de Georges battit à coups précipités lorsqu’il se trouva, au port du sabre, à la gauche de son commandant. Devant lui, cent cinquante soldats d’infanterie de marine, la 14e, sa compagnie, étaient alignés immobiles, baïonnette au canon, et au port d’armes ; un ban fut ouvert par les clairons.

— Sous-officiers, caporaux et soldats, proclama d’une voix grave le commandant, vous reconnaîtrez pour sous-lieutenant M. Georges Cardignac ici présent, et vous lui obéirez en tout ce qu’il vous commandera, pour le bien du service et l’exécution des règlements militaires !

Et se tournant vers Georges Cardignac, le chef de bataillon lui donna l’accolade.

De ce jour, l’autorité du jeune officier sur ses hommes était proclamée, effective ; mais il n’en devait user, vous l’avez vu par la phrase sacramentelle, que « pour le bien du service et l’exécution des règlements militaires. »

Tout officier devrait toujours avoir présente à l’esprit cette formule, concise et sacrée, qui, en affirmant le droit au commandement, sauvegarde en même temps le subordonné de l’abus de pouvoir ou de la fantaisie du chef.

Ce même soir, Georges et Zahner furent « reçus » par le corps d’officiers. C’est aussi une impression forte, que celle qu’emporte de cette solennité le débutant dans la vie militaire. Après le dîner à la pension, terminé par un toast du plus ancien lieutenant, président de table, à l’adresse des deux récipiendaires, Georges et Zahner trouvèrent, réunis au Cercle militaire, tous les officiers du 1er régiment d’infanterie de marine, présents à Cherbourg.

Le colonel Mangin fit asseoir Georges Cardignac à sa droite, Zahner à sa gauche, et la soirée commença au milieu des propos joyeux et des conversations bruyantes, coupées par la musique du régiment. La plupart des officiers qui étaient là avaient la poitrine constellée de décorations, souvenirs de leurs campagnes lointaines ; on sentait, dans la vaste salle, comme une