Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/263

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de Ségou, commence à violer ses promesses ; un autre adversaire, nommé Samory, manifeste, paraît-il, dans le sud, des dispositions hostiles ; les populations que nous ne protégeons pas suffisamment contre ces incursions se tournent contre nous ; il faut, pour parer à tout cela, que l’an prochain nous ayons pris pied sur le Niger ; une fois sur le Niger navigable, une fois nos canonnières démontables transportées à Bammakou, l’espace est à nous. Ségou, le Macina, et enfin Tombouctou, la mystérieuse capitale du Sahara, tomberont l’un après l’autre entre nos mains comme des fruits mûrs.

En sortant du palais du Gouverneur, encore tout heureux des perspectives de prochaine campagne que le colonel Borgnis-Desbordes venait de lui faire entrevoir, Georges Cardignac rencontra M. d’Anthonay.

L’anxiété qui se peignait sur les traits de l’ancien magistrat le frappa aussitôt.

— Auriez-vous de mauvaises nouvelles ? demanda le jeune officier.

— Très mauvaises, répondit M. d’Anthonay d’une voix altérée ; M. Ramblot, qui est parti de Bafoulabé à la fin de janvier, et qui devrait être rentré depuis vingt jours au moins à Kita, où il a accompagné le capitaine Galliéni, n’a pas reparu, et je viens de recevoir de sa fille Lucie qui l’a accompagné jusqu’à Kita seulement, deux lettres désespérées me disant son anxiété ; en même temps que cette lettre, j’en ai trouvé une du commandant du poste de Kita me confirmant qu’on n’a aucune nouvelle de cet excellent homme, malgré toutes les recherches poussées dans la direction du Niger.

— Il était donc seul ?

— Non, il avait avec lui une petite caravane d’une dizaine de noirs et quelques porteurs chargés de guinée[1], l’objet d’échange le plus avantageux dans cette région. Mais il était le seul blanc de cette caravane, et maintes fois je lui avais reproché son excès d’audace ; mais il me répondait avec un calme de Romain : « Qui ne risque rien, n’a rien. »

— Pauvre M. Ramblot ! Qu’a-t-il pu lui arriver ? Que redoutez-vous pour lui ? demanda Georges, que cette nouvelle venait d’impressionner douloureusement.

— Je me perds en conjectures : est-il prisonnier ? c’est ce qu’il y a de plus à craindre à mon sens. Est-il simplement égaré ? A-t-il poussé plus loin

  1. Sorte de toile de coton.