Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/270

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aussitôt Pépin à Georges Cardignac, lorsque celui-ci lui eut fait connaître qu’il était chargé de la « popote », si vous voulez je vais emmener votre petit Russe avec moi, et je vous « ferai » vos provisions, car vous savez, il faut tout emporter de Saint-Louis : une fois dans la brousse vous ne trouverez plus seulement un grain de moutarde.

— Entendu, mon brave Pépin, puisque tu veux bien t’en charger.

— Est-ce que vous avez pensé à emporter un fusil de chasse, mon lieutenant ?

— Ah ! dame ! non : je n’y ai pas songé un instant : j’ai la tente, le lit à cantines, la table à X, le pliant, mon seau en toile et ma pharmacie de poche, mais je n’ai ni fusil ni cartouches.

— Je vais vous trouver tout cela chez les frères Gardette, le magasin le mieux monté de Saint-Louis ; il y a de tout dans leur bazar, et si vous vouliez venir avec moi pour choisir…

— Je t’y rejoindrai.

Georges en effet avait hâte de retrouver M. d’Anthonay et de revoir, à l’entrepôt installé par lui à Saint-Louis, la jeune fille qu’il avait connue enfant à Dijon, Henriette Ramblot.

Il la trouva tout en larmes, sous le coup de l’anxiété la plus vive. Elle était brune, grande, élancée, avec un air sérieux et mélancolique qui la faisait paraître plus âgée qu’elle ne l’était réellement. Le jeune officier ne reconnut que vaguement en elle la gamine, qui était venue si souvent et si gentiment le distraire auprès de son lit de blessé à Dijon : elle au contraire le reconnut : elle eut assez de force pour le lui dire et lui rappeler, au milieu de ses pleurs, les souvenirs qui lui étaient restés de l’année terrible. Georges essaya de lui rendre courage en l’assurant qu’il allait s’employer corps et âme à la recherche de son père. M. d’Anthonay, de son côté, finit par la persuader que M. Ramblot était certainement sain et sauf, les gens d’Ahmadou ou de Samory n’ignorant pas qu’ils pourraient tirer de lui une grosse rançon.

— Et quelle qu’elle soit, ajouta l’ancien magistrat, elle sera payée, vous le savez bien. Rien ne m’arrêtera pour rendre votre père à votre affection.

Henriette Ramblot le remercia d’un regard, qui disait assez toute l’affectueuse reconnaissance qu’elle avait vouée à cet homme au cœur si noble, et elle s’occupa activement des préparatifs de son départ, en réunissant tout ce qui était nécessaire à M. d’Anthonay pour une absence de plusieurs mois.