Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa sœur, lui apprenait qu’elle n’avait vu revenir aucun des émissaires envoyés à l’intérieur, pour recueillir des indices sur la disparition du malheureux Français.

Tout espoir s’évanouissait donc de plus en plus, et lorsque le Faidherbe, incapable de pousser plus avant parce que sa quille frôlait le sable, abandonna le convoi à Matam pour redescendre le fleuve, les jours d’attente parurent interminables à l’ancien magistrat. Pendant douze jours encore, les chalands, remorqués par les noirs, glissèrent lentement sur les eaux jaunâtres du Sénégal ; le convoi passa devant Bakel, un des postes importants du Haut-Sénégal, et arriva à Kayes, sorte de chantier, aux allures de campement, où les cases nègres côtoient les bâtiments européens en construction.

À Kayes, allaient bientôt commencer les travaux du chemin de fer destiné à relier nos postes au Niger. Là, cessait la navigabilité du fleuve, et la petite colonne allait enfin quitter la voie fluviale pour prendre la voie de terre et gagner Kita.

Georges Cardignac attendait avec impatience ce moment, et les « marsouins », entassés sur les chalands et ankylosés par cette immobilité forcée, souhaitaient ardemment, eux aussi, de pouvoir enfin se dégourdir les jambes. En six jours la petite colonne fut prête à partir, et pourtant, que de détails à organiser ! et combien peu s’en doutent les coloniaux en chambre qui se figurent qu’un chef s’engage dans les profondeurs du Soudan sans autre souci que celui de commander : « En avant, marche ! »

Le premier soin du capitaine Cassaigne avait été, aidé en cela des officiers, des sous-officiers et de l’interprète du poste de Kayes, de recruter des porteurs, car vous pensez bien, mes enfants, que les soldats d’infanterie de marine ne pourraient cheminer, sous le soleil équatorial, courbés sous le poids du sac que vous voyez sur le dos de notre soldat de France.

Ce sac, qui contient du linge et des chaussures de rechange, deux jours de vivres en conserves, haricots, sel, sucre et café, des cartouches, un ustensile de campement pour faire la cuisine, une hachette pour couper le bois, une couverture pour la nuit, une tente abri avec ses montants, enfin quantité de petits objets indispensables comme fil, aiguilles, boutons, savon, graisse, nécessaire d’armes, sous-pieds de rechange, etc., ce sac, mes enfants, qui est pour le soldat en campagne à la fois sa maison, son mobilier, sa garde-robe et son garde-manger et ne pèse pas moins de