Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/441

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cheveux blonds lui faisaient une auréole qui débordait sous le petit canotier en paille blanche ; elle était charmante ainsi. Le regard de Georges allait de l’une à l’autre, pendant que son cœur bondissait dans sa poitrine ; elles passèrent à quelques pas de lui et, retenu par son ami, il les laissa passer.

À une certaine distance, M. d’Anthonay marchait, appuyé sur une canne, aux côtés de M. Ramblot, un peu grossi ; enfin Pépin et Mohiloff, qui sans doute revenaient du port, fermaient la marche.

Quand ces derniers passèrent à portée, les deux amis sortirent de leur cachette.

Le « petit Russe » s’arrêta sans dire mot, mais il devint très pâle ; quant à Pépin, il ne put retenir un cri :

— Elle est forte !…celle-là. Eh bien ! tu sais, Mohiloff, toi et moi nous sommes deux emplâtres !

Mais au cri de Pépin, tous s’étaient retournés ; Georges s’élança : en deux bonds il fut dans les bras de Mme  Cardignac.

— Ah ! maman !… maman !…

— Georges ! mon Georges !…

Et quand le jeune officier, après les effusions que vous devinez, se tourna vers Lucie Ramblot, pâle et tremblante, le mot « mademoiselle » s’étrangla dans son gosier, et il ne sut que tendre la main. La jeune fille tendit la sienne, Georges la sentit trembler et la garda quelques secondes ; leurs âmes se fondirent l’une dans l’autre ; sans s’être dit un seul mot, ils s’appartenaient désormais. L’aveu contenu dans ce silence, plein de mystérieuses et troublantes vibrations, était bien le plus éloquent de tous les aveux.

Mais M. Ramblot et M. d’Anthonay arrivèrent à leur tour.

— Ah ! mon cher enfant ! quelle surprise et quel bonheur !

Il est des scènes de tendresse que la plume ne peut rendre. M. d’Anthonay entraîna tout le monde au « Grand-Hôtel » qui était tout proche ; il m’est bien impossible, mes enfants, de vous décrire la joie qui, sous des formes différentes, emplissait tous les cœurs. Georges ne savait à qui répondre ; les questions se pressaient sur les lèvres de sa mère, qui s’interrompait à chaque instant pour le presser sur sa poitrine, comme si elle eut craint qu’on vint de nouveau le lui enlever.

Et au milieu des exclamations, des cris de joie, le jeune officier jetait à la dérobée un regard sur la seule qui ne parlât pas.