Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/444

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— Maladroit que je suis, fit-il, comme si ce cadeau-là ne devait pas doubler de prix en passant par une autre main que la mienne !

Il remit la boîte à Mme Cardignac.

Celle-ci la reçut en souriant et, allant prendre par la main Lucie Ramblot qui, silencieuse et doucement émue, se tenait dans un coin du salon :

— Tenez, mon enfant, lui dit-elle, je désire que mon Georges reçoive de vous ce cadeau, le plus précieux de tous ceux qu’on pourrait lui faire en un pareil jour.

Et vous avez déjà deviné, mes enfants, que ce fut une croix de la Légion d’honneur, une croix avec un beau ruban rouge que le jeune lieutenant d’infanterie de marine reçut des mains de la ravissante jeune fille.

Mais ce que vous n’avez peut-être pas prévu, c’est que l’écrin qui la renfermait était assez large pour en contenir deux et qu’à côté de la croix à l’effigie de la République entourée de brillants, s’en trouvait une autre, celle-là très simple, à l’effigie de Napoléon Ier, Empereur, et dans l’anneau de laquelle était passé un ruban si défraîchi qu’il en était devenu rose.

— Georges, murmura Valentine Cardignac : c’est la croix de ton grand-père, de Jean Tapin. Tu sais comment il l’a gagnée ; ton oncle Henri la portait en Crimée le jour de Malakoff où il tomba. En attendant que tu puisses porter la croix d’officier de ton père, celle que tu as recueillie toi-même à Saint-Privat, prends celle-ci,… c’était la relique de notre famille : elle t’appartient.

— Prenez, Monsieur Georges, ajouta tout bas la jeune fille. Je suis bien… bien heureuse !

Et le fils du colonel Cardignac, le petit-fils de Jean Tapin, le cœur gonflé par toutes ces émotions successives, fondit en larmes. Il entendit à peine Pierre Bertigny lui expliquer qu’une promotion venait d’être signée, qu’il avait pu en acquérir la certitude par un ami du Ministère et qu’elle paraîtrait le lendemain à l’Officiel.

Il n’entendit pas davantage les félicitations de son ami Paul qui essaya bien, suivant son habitude, de plaisanter un peu, mais qui y renonça vite, gagné à son tour par l’émotion générale.


Qu’elle est belle, mes enfants, cette croix de la Légion d’honneur, lorsque, gagnée par des actes d’héroïsme en face de l’ennemi, comme