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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/450

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18 août ; portraits de généraux, d’officiers et soldats tués dans ces deux journées ; armes françaises, obus, fusils, sabres, épaulettes, aiguillettes, croix de la Légion d’honneur, tableaux et gravures, et le digne curé leur expliqua son rêve : bâtir dans son jardin une vaste salle, où tous ces objets seraient mis en belle place et catalogués, afin qu’avec son église entièrement restaurée, ses statues, ses plaques commémoratives et son Musée du Souvenir, Mars-la-Tour devînt comme le centre patriotique de la Lorraine française.

En sortant du presbytère, Georges pensa : « Aussitôt de retour à Versailles, j’enverrai une belle offrande à ce digne homme pour l’aider à réaliser son rêve. » Puis il quitta ses deux amis pour retourner à la gare ; c’était l’heure où l’abbé d’Ormesson devait arriver, et il le trouva en effet au milieu de la foule qui, du train de Nancy, débordait dans les rues pavoisées.

— Vous avez apporté un vêtement civil ? demanda le missionnaire au jeune officier ; car vous savez bien que, même avec l’autorisation d’exhumation que j’apporte, vous ne pourriez pénétrer sur le territoire annexé, en uniforme.

— J’ai tout ce qu’il faut, et une voiture spéciale, commandée à Verdun par un ami, nous attend au presbytère. À quelle heure faut-il partir ?

— Aussitôt la cérémonie terminée. Je dois être à Abbeville demain matin.

— À une heure, alors ?

Et, à partir de ce moment, tout à la pensée de l’acte qui allait s’accomplir, Georges Cardignac suivit le cortège et assista à la cérémonie comme un corps sans âme. Ce fut à peine s’il entendit appeler les nombreuses délégations dont les drapeaux emplissaient le chœur de la petite église, et s’il remarqua la merveilleuse fanfare du 1er bataillon de chasseurs à pied, venue tout exprès de Verdun pour la première fois. Devant le monument, cependant, il vibra lorsque la voix de l’orateur, M. Mézières, jeta à la foule recueillie ces émouvantes paroles :

« Nous vous honorons de toutes les forces de notre souvenir, nobles morts de Gravelotte et de Mars-la-Tour, mais nous ne vous plaignons pas : vous êtes tombés dans l’ivresse du succès, avec la conviction que la France était victorieuse. Vous, du moins, vous n’avez connu ni les souffrances du blocus, ni les humiliations de la captivité. L’immortelle espérance rayonnait sur vos fronts et illuminait vos visages. Parmi ceux qui ont traîné sur les routes leur morne désespoir et langui pendant des mois loin de la terre